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Photo du rédacteurThierry NUSSBERGER

LES THÉRAPIES VERBALES DE L’HOMME DIVISE versus LES THÉRAPIES ORGANIQUES DE L’HOMME UNIFIE - LES TCC - EMDR

Dernière mise à jour : 27 oct.


 « Et s’il s’agissait aussi d’un passage d’une conception occidentale vers une conception plus orientalisante de l’homme
Du passage des thérapies verbales de l’homme divisé vers les thérapies organiques de l’homme unifié


Abord des thérapies organiques ou nouvelles psychothérapies :

  1. Corporelles et émotionnelles : psychothérapies humanistes, thérapies psychocorporelles, psychothérapies intégratives de « première génération » [1]

a - Axée sur le déconditionnement : traitement de l’alcoolisme, de la toxicomanie, des phobies, de l’anorexie.

b - Axée sur la modification d’un comportement : T.C.C.[1], hypnose, PNL, sophrologie, EMDR[2], méditation, psychothérapies intégratives de « deuxième génération »


I/ CONCEPTION OCCIDENTALE ET ORIENTALE DE L’HOMME

Avec l’abord des psychothérapies psychocorporelles et le mouvement du potentiel humain nous entrons dans une orientation de la psychothérapie et des concepts concernant la psychè humaine pratiquement à l’opposé des psychothérapies d’orientations analytiques et de la psychanalyse freudo-lacanienne. Peut-il y avoir des ponts entre ces deux abords différents de l’homme, soit les thérapies verbales de l'homme divisé versus les thérapies organiques de l'homme unifié - TCC, EMDR- peut-on rompre avec les soubassements spirituels dont parfois elles s’originent ? Peut-on parler de sciences à leurs sujets ? Y-a-t-il d’ailleurs des « Sciences » humaines.

Nous essaierons, non pas de répondre, mais de mettre au travail ces questions en arborant la pensée des créateurs de ces nouvelles thérapies, comme nous l’avons fait et continuerons à le faire pour les théoriciens de la psychanalyse ou de la psychiatrie.

Le virage s’amorce avec Reich qui relie fonctionnement psychique et biologie du corps : c’est un fonctionnement unitaire de l’organisme. Reich décrit une énergie particulière à la fois psychique et biologique qui unit l’être. Reich la dénommera « Orgon ». La théorie que développera Reich à son sujet sera en rupture totale avec la théorie de la libido freudienne qui est rattachée aux pulsions et aux déterminismes inconscients. Rappelons que la libido freudienne est la manifestation dynamique dans la vie psychique de la pulsion sexuelle. Pulsion qui, même si elle s’origine du corps, est déjà de l’ordre de la représentation et n’est donc plus liée directement au corps, c’est-à-dire qu’elle n’est plus, pour Freud, biologique ou instinctive. Le terme Trieb, employé par Freud, se rapporte à la notion d’une poussée. L’auteur ne laisse aucun doute, quant à son intention de le différencier d’avec le terme « instinkt » qu’il réserve au comportement animal, génétiquement programmé, propre à une espèce et parfaitement adapté à son objet.


Cette vision « dé-biologisée » du corps est ce qui a dérangé et dérange encore beaucoup de thérapeute. C’est aussi ce qui a fait dire que les analystes ne s’occupent pas du corps. Freud n’en est pas venue à cette théorie de la pulsion par idéologie mais par l’écoute qu’il a eu de ses patients. L’hystérie est peut-être la structure qui l’a le plus amené à concevoir cette hypothèse. En effet comment le corps peut-il être à ce point concerné alors qu’il n’y a dans les symptômes aucun soubassement biologique ou neurologique.


La conception reichienne de la psychè humaine et de son développement oriente la démarche en psychothérapie vers un idéal qui serait de retrouver un état naturel de bien-être, l’homme étant fait pour bien fonctionner dans la nature. Il faut donc pour Reich revoir complètement notre rapport à la société et à ses injonctions névrotiques.


Avec Freud on reste dans la conception occidentale de la psychè. Même la notion d’inconscient, bien qu’elle ait fait scandale, est profondément ancrée dans la tradition occidentale et je vais m’en expliquer. Avec Reich et ses successeurs, inventeurs des nouvelles thérapies et des thérapies intégratives, qu’elles soient de la première ou seconde génération nous entrons dans une conception plus orientale de l’homme.


D’ailleurs, on peut dire que tout un pan des médecines douces et des thérapies actuelles s’oriente vers ce type de conception unifiante de l’homme. A l’homme divisé de l’occident on oppose un homme unifié, un homme qui fait UN avec son corps et, peut-être même, Un avec l’univers. (Microcosme et macrocosme en harmonie).


Les psychothérapies actuelles telles les TCC s’inscrivent dans cette perspective unifiante. L’homme fait un avec son corps, ses symptômes sont le fait d’un dérèglement des circuits d’informations du cerveau. Il s’agit de rétablir les circuits, un peu comme dans l’acuponcture il faut rétablir les courants énergétiques, il n’y a pas ici d’implication de l’homme en tant que sujet souffrant d’un symptôme qui le divise.


II/ EN FINIR AVEC LA THÉORIE DE L’HOMME DIVISE


A/ Notre proposition pour présenter les thérapies psychocorporelles et le mouvement du potentiel humain est de les situer d’abord dans un contexte historique mais aussi idéologique. En effet on peut se demander dans quelle mesure les soubassement idéologiques (politiques, spirituel, religieux etc.) influencent l’émergence, la formulation des concepts, des théories, des recherches scientifiques de leurs auteurs.

Nous avons vu avec Wilhelm REICH comment son histoire, la façon dont il a été sensible à son époque, l’on conduit à concevoir une thérapie pour libérer les masses laborieuses. Ces différentes influences n’infèrent en rien l’intérêt de ses théories ou constructions, même si vers la fin de sa vie celle-ci étaient en grande partie le fruit d’un délire paranoïaque.

L’œuvre de Freud n’échappe pas à ce constat. Freud a voulu extraire le fonctionnement psychique et sa complexité des explications religieuses de son époque. Son premier grand ouvrage « die Traumdeutung » témoigne de cela. Le rêve jusqu’ici était abordé du côté du sens « spirituel », il s’y révèle l’avenir, le destin ou les avertissements de l’au-delà. Freud rompt avec ce sens divin pour y déceler le message crypté de l’inconscient. Ce n’est plus l’Autre extérieur à nous, le messager qui parle, mais l’autre en nous inconnu, insu.

Freud tout en désacralisant le rapport de l’homme au monde reste fidèle malgré tout à ce qui structure l’homme et la société dans la vision occidentale imprégné des écrits mosaïques. La division du conscient/ icst est proche de la division paulinienne de l’homme :

« En effet, ma façon d’agir, je ne la comprends pas, car ce que je voudrais, cela, je ne le réalise pas ; mais ce que je déteste, c’est cela que je fais. Or, si je ne veux pas le mal que je fais, je suis d’accord avec la Loi : je reconnais qu’elle est bonne. Je sais que le bien n’habite pas en moi, c’est-à-dire dans l’être de chair que je suis. En effet, ce qui est à ma portée, c’est de vouloir le bien, mais pas de l’accomplir.
Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas…Mais, dans les membres de mon corps, je découvre une autre loi, qui combat contre la loi que suit ma raison et me rend prisonnier de la loi du péché présente dans mon corps. (Épitre de Paul aux Romains chap.7)».

La théorie des pulsions et de leur contenu refoulé par l’instance surmoïque est conforme à la vision de la psyché tourmentée par ce qui agit comme le diabolos (en grec : celui qui divise, désunit).

Dans cette vision, il y a une structuration, une hiérarchie des valeurs, l’Un n’est pas égale à la nature. Il y a le princeps créateur, l’Un indivisible, qui n’a ni commencement ni fin et il y a la création qui est soumise à la finitude et qui a un commencement. L’UN créateur est assimilé au Père. Freud retrouve dans la psychè humaine ce principe fondateur et créateur. Le père est celui par qui la loi tient, c’est lui qui organise la structure psychique. Mais pour que ce principe soit opérant il faut que le Père soit mort.


Freud montre comment l’organisation de nos sociétés et notamment les religions mosaïques se fondaient sur la totémisation du père mort, fruit de la culpabilité des fils ayant tué le père. De ce qui aurait pu n’être qu’un mythe Freud essaye d’en saisir une origine historique dans Moise et le monothéisme.[1] Freud voulait se débarrasser de Dieu le père il réintroduit le Père de la horde, puis Œdipe comme valeur universel de la structuration psychique. Ainsi tout en révélant au monde que l’amour de Dieu n’est que l’amour du père, Freud met le Père au cœur de notre civilisation : il rend le Père universel.


B/ l’homme total

On peut dire qu’avec les courants de la psychologie humaniste, le mouvement du potentiel humain et les nouvelles thérapies nous assistons à une rupture d’avec ces conceptions Mosaïque de l’homme et de son rapport au monde. Ce qui relie ces grands courants sera en premier lieu le partage d’un postulat commun : « l’homme est son organisme ».

Le corps et l’esprit font unité. L’homme n’est pas divisé et il est relié à la nature. Cela s’oppose à la théorie freudienne et ensuite lacanienne qui situe l’homme comme divisé par le langage et par conséquent séparé de la nature : il est un être de culture. L’homme par la structure de la parole n’est plus de nature. La névrose ou la psychose est le fruit de ce trou-matisme induit par la structure même de la parole.

Pour les courants humanistes l’homme est névrosé du fait des contraintes exercées sur lui par la société. En supprimant les causes de l’oppression, en retrouvant l’équilibre naturel, l’homme se reconnecte à sa nature. S’il ne respecte pas les lois naturelles en lui, l’homme entre en conflit avec celle-ci et subit le monde, occasionnant ainsi des souffrances psychiques. C’est aussi de cette manière que le philosophe Jean-Jacques Rousseau présente la relation de l’homme à la nature : « Qu’il sache que l’homme est naturellement bon, qu’il le sente, qu’il juge de son prochain par lui-même ; mais qu’il voie comment la société déprave et pervertit les hommes » L’Emile ou De l’éducation 1762.

Aujourd’hui les courants neurobiologiques démontrent que l’homme est malade d’une mauvaise connexion à son environnement et à ses circuits neuronaux. Il y a donc à la base un mauvais traitement de l’information. Il faut en thérapie réadapter le cerveau. L’homme est une totalité dans laquelle corps et esprit sont intimement lié et interdépendant. L’usage du terme somato-psychique devient de plus en plus courant et souligne cette orientation non-dualiste et unificatrice.


C / Un abord Nietzschéen de l’homme

Avec les nouvelles thérapies on rejoint la vision nietzschéenne de l’homme déployée dans son œuvre « Zarathoustra » avec l’annonce que Dieu est mort. L’insupportable de la vision occidentale de l’homme, et des psychothérapies s’y rapportant, rejoint ce que Nietzche annonçait de l’homme sans Dieu. Nietzche pose le réel comme un foisonnement de force opposée : deux forces principales se rencontrent. Les unes, les actives sont décrites comme agissantes et révèlent une volonté de puissance affirmative. Les autres, les réactives ont une volonté de puissance négatives. Les premières agissent les secondes subissent. Nietzche considère que la culture occidentale, de Socrate à nos jours, est mue par cette force réactive, négative. Pour Nietzche il y a une puissance naturelle, l’instinct qui guide l’homme. Si l’homme l’écoute il y trouve une force d’affirmation, un mouvement vital.

Chez Socrate cette voix de la nature est remplacée par la voix de la raison, son daimon, qui se fait entendre comme force de dissuasion. Un exemple nous est donné dans l’apologie de Socrate (Platon) :

« Comme vous me l'avez maintes fois et en maints endroits entendu dire, se manifeste à moi quelque chose de divin, de démonique […]. Les débuts en remontent à mon enfance. C'est une voix qui, lorsqu'elle se fait entendre, me détourne toujours de ce que je vais faire, mais qui jamais ne me pousse à l'action. Voilà ce qui s'oppose à ce que je me mêle des affaires de la cité »

Si Socrate ne se mêle pas des affaires de la cité, ce qui peut apparaitre comme une inhibition, c’est que Socrate par la voix du Daimon, mesure bien qu’il n’est pas fait pour les affaires politiques et ses nécessaire compromissions. Il sait très bien qu’avec sa position éthique il aurait été vite mis au banc par ses pairs. Ainsi pour produire et agir il faut écouter la voix de l’instinct, celle de la nature. La voix de la raison, de la réflexion, est contreproductive, source de souffrance et d’abnégation.

C’est toute cette vision d’un monde qui ne serait pas de nature ( le socratisme, le judaïsme et le christianisme) que Nietzche appelle nihilisme avec son dualisme qui le caractérise. Il s’y distingue le monde d’en haut et le monde d’en bas, l’esprit et le corps, l’instinct et la raison. Cette distinction pour Nietzche est intentionnelle et a pour fonction de dénigrer le réel (l’ici-bas, le corps, les désirs) pour mettre en avant une fiction de l’au-delà, faite de renoncement, ce que Nietzche appelle un nihil.

« Ce monde de fiction s’enracine dans la haine du naturel, de la réalité, il est l’expression d’un profond malaise avec le réel » ( Antéchrist ch. 15.)

Il y a dans cette vision du monde une extériorité à l’homme, un Autre qui lui est inconnu et qui peut se révéler de différente manière. Le Daimon pour Socrate, Dieu et les anges pour les judéo chrétiens, l’inconscient pour Freud.

A cette vision de l’homme s’oppose la vision naturaliste et organiste des nouvelles thérapies. Le dieu ou ce « quelque chose » d’étranger qui parle en nous à notre insu, cette extériorité même en l’homme, représente ce qui est profondément rejeté par la pensée « orientalisante » des nouvelles thérapies. L’homme est un tout, l’extérieur et l’intérieur ne font qu’un. L’homme est son dieu, surhomme Nietzschéen débarrassé de cette extériorité encombrante, de sa culpabilité ontologique et de son nihilisme. La mort de Dieu pour Nietzche ne constitue pas une fin, c’est le début de la transformation humaine : le surhomme.


D/ Le sur-homme selon Nietzche

Cette construction s’effectue en trois étapes ou trois phases, celles du chameau, du lion et de l’enfant, durant lesquelles l’homme se dépouille peu à peu de ses anciennes croyances subies et erronées pour en inventer de nouvelles :

  • le chameau : c’est l’homme soumis aux valeurs traditionnelles qui s’opposent au surhomme. La mort du Christ en rémission des péchés du monde atteste de la corruption originelle de l’homme, de sa nature profondément rebelle à Dieu, la religion judéo chrétienne est fondamentalement contre nature et culpabilisante.

Rappelons que cette corruption n’est pas, selon la Bible, liée à un passage à l’acte sexuel, mais à un ratage, c’est ce que le terme Hatat, qui signifie « manquer la cible » et qui a été maladroitement traduit par péché, indique. Lacan, après Freud, dira que ce ratage, repéré par Freud dans son rapport avec l’inconscient, est de structure, la cause en est « La Parole ». Il y a ratage par la structure même de la parole. Ainsi la psychanalyse ne rompt pas avec cette conception de la dualité. La mort de Dieu précède la chute des valeurs transcendantes (le bien et le mal, la vérité, l’identité, le lien à l’autre. Le monde que prophétise Nietzsche est un monde en deuil de l’absolu.

  • le lion : phase de destruction de l’ensemble de la connaissance, de ce que l’on tenait pour vrai. L’homme se trouve désespéré il n’y a plus de transcendance dans les cieux.

  • l’enfant : renaissance ex nihilo, à partir de rien. Phase de création pure de nouvelle connaissance et d’une nouvelle morale. Ce sera le nihilisme héroïque de Nietzche. L’enfant est celui qui renoue avec ses tripes, il est non plus corps et âme mais corps entier.

L’homme libéré de Dieu n’a pas besoin de morale toute faite, il la crée à partir de rien, ce qui est bon c’est ce qu’il veut. Voilà le sur-homme. La notion de conflits intra psychiques de la théorie freudienne rappelle ce dualisme judéo chrétien avec son cortège de culpabilité, de tension entre désir et interdit. L’inconscient lui aussi est une notion trop proche de cet autre en nous qui parle, cet étranger à soi, comme un messager de l’au-delà.

E/ L’homme et son environnement

Les nouvelles thérapies en revanche mettront l’accent sur les conflits entre l’individu et son environnement qui ne peut, ou ne veut satisfaire ses désirs. Le primat est donné à l’« ici et maintenant », pour employer une formule devenue classique. Ces techniques abordent surtout le sujet dans son expression corporelle et verbale présente, dans son mode relationnel actuel, sans nier évidemment que le passé y joue sa partie. Dans les nouvelles thérapies on fait le pont avec la spiritualité orientale, plus précisément l’hindouisme et le bouddhisme : l’homme n’est pas séparé de la création, il en est une partie. Le corps est un microcosme qui interagit avec le macrocosme.

Ces spiritualités orientales voient la réalité comme un tout, en mouvement, avec des éléments unis par des relations dynamiques.

Dans la vision occidentale, la réalité est fractionnée nous percevons les objets individuels, séparés et fixes. Les spiritualités orientales mettent l'accent sur l'unité de l'univers et l'interdépendance de tous les phénomènes. Le cosmos apparait comme une réalité indivisible, éternellement mouvante, vivante, organique, spirituelle et matérielle à la fois.

L'image orientale de la divinité n'est pas celle d’un Seigneur créateur du monde telle que la religion du Livre décrit Dieu mais d'un principe qui contrôle chaque chose de l'intérieur. Il y a une hiérarchie de l’univers dans une interdépendance hommes, divinités, et Loi Universelle (Dharma).

Peut-on envisager, dans les luttes actuelles mettant en scène les thérapies organicistes contre la psychanalyse, une similitude avec les oppositions conceptuelles et spirituelles de l’occidental et de l’orient ? Les thérapeutes actuels pensent pouvoir se passer de la parole, la parole qui divise, parce que cette pratique fait pour eux partie de l’ancien monde. Ils veulent s’écarter de ces modèles dualistes qui trouvent leur origine dans des conceptions mythiques et religieuses de l’homme. A cela ils opposent leur concept ou leur méthode censés s’appuyer sur les dernières recherches scientifiques. Un autre mythe est en train de prendre la place de l’ancien : celui d’une pseudo-vérité scientifique dont les résultats trompeurs sont le fruit d’une méthodologie douteuse. Au regard des psychothérapies et de leur scientificité nous sommes actuellement plus dans le scientisme que dans une véritable démarche scientifique.


F/ Les sciences humaines sont-elles vraiment scientifiques ?

Les méthodes d’évaluation des psychothérapies n’ont souvent rien à voir avec celles employées par les scientifiques qui partent d’un postulat, propose une expérimentation à partir de protocoles dument éprouvés :

1 - Expériences faites en double aveugle

Exemple : ni le patient ni le médecin ne savent si le médicament donné au patient est un placebo.

2 - Répéter l’expérience un nombre suffisamment important et étudier les résultats de manière statistique.

Exemple : - Effectuer le test sur 1000 patients, dont la moitié prennent le vrai médicament et l’autre moitié le placebo.

- Demander à un médium de retrouver le nom de 50 personnes décédées.

3 - Analyse statistique

On répète le test un certain nombre de fois et on obtient un pourcentage de succès, c’est à dire le nombre de fois où le test a été réussi par rapport au nombre total de tests effectués.

Etc…

Les pratiques issues des théories organicistes occupent actuellement tout le terrain pour le traitement des maladies mentales parallèlement au discrédit porté sur les pratiques inspirées par la psychanalyse. Ce n’est justifié ni sur le plan scientifique ni sur le plan de l’offre de diversifié des soins à laquelle chacun a droit. Auprès du public ces théories trouvent un bon accueil de par leur effet déculpabilisant. En effet en présence d’une maladie mentale il y a toujours un arrière-fond de sentiment de culpabilité « suis-je responsable, de par mon comportement passé ou présent, du mal-être d’un proche » Si la cause de la maladie est organique la question de la culpabilité est réglée.

La question de la validation des psychothérapies et de leur évaluation est née surtout avec le souci de rentabilité et non le souci d’éviter au patient d’être aux prises avec des charlatans. Les thérapies par la parole ont toujours été décriées par les gestionnaires (« parler ça ne sert à rien, c’est une perte de temps et donc d’argent »). Le concept de l’hôpital géré comme une entreprise est en lien avec ce souci d’efficacité des psychothérapies et des bonnes pratiques préconisées par le « Plan d'actions pour le développement de la psychiatrie et la promotion de la santé mentale » (2003 - Philippe Cléry-Melin, Viviane Kovess, Jean-Charles Pascal.)

C’est ce souci qui a déterminé les gouvernants à cautionner des approches qui se disaient plus efficaces et plus rentables que d’autres. Quand le ministre de la santé a été informé lors d’un forum que le rapport INSERM sur l’évaluation des psychothérapies était tronqué et que la méthodologie pour les classer était non-scientifique mais basée sur la quantité d’articles reçus en faveur des TCC.

On peut rêver de faire entrer les psychothérapies dans le champ de la science, leur épistémologie amène pourtant à cerner dans leurs spécificités le caractère irréductible à certaines exigences scientifiques.

L’homme, ce roseau pensant comme l’appelait Pascal, a comme support son corps et principalement le cerveau, mais la capacité d’un être à se faire « sujet » dépasse le contexte neurologique. Ce ne sont pas ses connexions neuronales qui répondront à la question du sens de sa vie et de sa mort. « Parce qu’il sait qu’il meurt, l’avantage que l’univers a sur l’homme, c’est que l’univers n’en sait rien « (PASCAL – les pensées).

Qu’est-ce qui est à l’œuvre dans son effort à se représenter le monde, qu’est-ce qui garantit que sa construction symbolique et imaginaire tiendra face aux évènements du réel qui menace parfois cette élaboration.

Les psychothérapies à dominante organiste ne sont ni plus scientifiques, ni plus efficaces que les psychothérapies de la relation, et à notre connaissance aucune méthode d’évaluation n’a permis d’établir qu’elles respectaient les conditions méthodologiques citées plus haut.


II / NAISSANCE DES PSYCHOTHERAPIES CORPORELLES A ESALEN

Nous avons pu découvrir précédemment les pionniers des nouvelles thérapies dites psychocorporelles. Reich en est vraiment le précurseur et à sa suite Friedrich Perls.

Perls nous l’avons vu précédemment a rejoint vers la fin de sa vie et après moult péripéties, le centre d’Esalen en Californie. Ce centre est au cœur même de l’origine et de la diffusion des concepts de la psychologie humaniste et du mouvement du potentiel humain.

Perls put y développer la Gestalt thérapie qui nous l’avons vu fait le lien avec d’autres courants de pensée : notamment existentielle et reichienne. Perls s’affranchit ainsi de la pensée occidentale car pour lui la personne n’est pas une somme de fonctions, ou de mécanismes mais une totalité en interaction avec son environnement. L’homme par la satisfaction de ses besoins diminue la tension et l’excitation sensori-motrice qui lui est liée. C’est la gestalt totale. C’est L’état de tension non résolu qui crée une gestalt inachevée et donc la névrose.


A / Leonard Orr et le Rebirthing

C’est à Esalen que Leonard Orr dans les années 60 développera le Rebirthing.

Leonard Orr est né dans une ferme de l’Etat de New York. Il a été agent commercial, éducateur social, consultant d’affaires et formateur pour les travailleurs indépendants. Attiré très tôt par les spiritualités orientales et les techniques de respiration des yogis qui permettrait d’accéder à l’immortalité Orr fait des expériences dans sa baignoire. Il décrit cela comme « une excellente méthode pour atteindre un état de relaxation profonde et laisser son esprit vagabonder ». Il remarqué alors qu’en restant assez longtemps dans l’eau, il commence à se passer des choses extraordinaires. « Lorsque vous prenez un bain, et même si vous vous y sentez très bien, il arrive toujours un moment où vous ressentez l’envie d’en sortir. Eh bien, à partir de ce moment-là, restez-y une heure de plus… Votre corps se détend alors réellement et votre esprit se relâche. Il dépasse ses limites habituelles, et vous commencez à voir des images très précises, comme dans un rêve éveillé, ou à avoir des sensations physiques et émotionnelles très fortes. J’ai ainsi retrouvé des souvenirs de ma petite enfance, des choses difficiles que je n’avais pas comprises. Cette prise de conscience a provoqué en moi un incroyable processus de transformation. Voilà pourquoi je l’ai appelé Rebirthing (« renaissance »). J’ai alors voulu partager cette découverte avec les autres, et j’ai commencé à faire des « régressions » dans l’eau avec des amis. Cela a donné la première version du Rebirthing. »

Et sur la technique de respiration qu’il a mis au point ORR argumente ainsi :

« Regardez ce qui se passe lorsqu’il vous arrive quelque chose de désagréable, comme apprendre une mauvaise nouvelle : vous bloquez votre souffle. Parfois, on a même le « souffle coupé ».

Chaque fois que vous avez rencontré un problème, une simple contrariété, un accident ou même le décès d’un proche, vous avez inconsciemment bloqué votre respiration. Or, ces blocages et ces douleurs restent inscrits dans une espèce de « mémoire du corps ». C’est ainsi que, petit à petit, vous avez construit votre propre façon de respirer, avec ses blocages et ses limites. Lorsque vous pratiquez une respiration ample, la conscience du corps et l’apport en oxygène font remonter les mémoires du corps et les dénouent. Ce processus nous permet également d’intégrer nos expériences négatives avec une très grande souplesse, même lorsqu’elles ont été très douloureuses. »


ORR assimile volontiers son concept de circulation d’énergie dans la respiration au Qi gong : « dans les arts martiaux, dit Leonard ORR, on utilise le souffle pour la faire circuler alors que dans la respiration consciente on ne l’utilise pas on est le souffle ! »

ORR pratique la suggestion positive pour contrôler la pensée et l’orienter vers des pensée positives. La relaxation et la respiration assouplissent la cuirasse musculaire et fait baisser la tension pour libérer la circulation de l’énergie. Pour ORR cette technique de respiration n’a rien à voir avec l’hyperventilation pratiquée dans la respiration holotropique ou en bio-énergie.

ORR considère que sa méthode n’est pas en opposition avec d’autres techniques ou pratiques. Pour lui plus on fait d’expérience plus on s’enrichit.

Circulation d’énergie, contrôle de la pensée, pleine conscience, respiration, l’homme comme totalité ORR adhère parfaitement à la spiritualité orientale jusqu’à concevoir une respiration qui mène à l’immortalité. Toute une conception de l’homme bien différente de nos conceptions occidentales. Nous sommes loin du concept d’un sujet divisé par la parole.

B / La bio-énergie d’Alexander LOWEN

Dans son livre « La bio-énergie » Lowen reconnait sa dette envers W. Reich qui fut son professeur de 1940 à 1952 et son analyste de 1942 a 1945. Il rencontre Reich en 1940 alors qu’il poursuit des recherches sur la relation Corps -esprit. C’est par sa pratique assidue du sport que Lowen constate que celle-ci améliore sa santé physique mais aussi son état mental. Son intérêt pour la relaxation progressive de Jacobson et le Yoga confirme l’idée que l’on peut modifier le mental en travaillant au niveau du corps.

Ce qui séduit Lowen dans l’approche de Reich c’est sa mise en perspective du facteur économique, c’est-à-dire les forces qui prédisposent à élaborer des symptômes, dans le problème de la névrose. Lowen est séduit par ce concept car « il traite de la façon dont un individu gère son énergie sexuelle, ou son énergie en général (p.10) » « de combien d’énergie un individu dispose et quelle quantité s’en décharge par les activités sexuelles « voilà ce qui intéresse LOWEN. La manière dont on maintient son énergie à bas niveau, en limitant son excitation sexuelle, conditionnera la tendance à la dépression. Lowen n’est pas un adepte inconditionnel de Reich, il montre une attitude de scepticisme notamment sur « l’importance que Reich attribue au rôle de la sexualité dans les problèmes émotionnels - p.11» Deux ans plus tard, après avoir lu « les trois essais sur la théorie de la sexualité » de Freud, il revient sur ce scepticisme. En 1941 Lowen participe au cours de Reich, en 42 il débute sa thérapie avec lui et participe à de nombreuses réunions de travail chez lui à Forest Hills. Reich invite Lowen dans son laboratoire où il effectuait des travaux de recherche à partir de préparations biologiques et des tissus cancéreux. Les séances de thérapies, que Reich appelait alors « Vegetothérapie caractéro-analytique » font découvrir à Lowen tout ce que comporte de découverte sur soi le travail de respiration associé au travail corporel qui grâce à des massages ou d’autres techniques activaient les centres végétatifs. (Ganglions du système nerveux autonome) et libéraient l’énergie végétative. « C’est le passage d’une analyse purement verbale à un travail direct sur le corps. p13 ».

Lowen décrit avec beaucoup d’authenticité sa thérapie avec Reich. On y découvre un homme à la fois coopérant mais aussi capable de se distancier. Lowen lui rend toujours un hommage appuyé, reconnaissant de ce qu’il lui a apporté. En 1947 Lowen quitte New-York avec sa femme et se rend à l’université de Genève dont il sortira diplômé d’un doctorat en médecine en 1951.

Lowen prend en thérapie quelques patients Il fait part de son enthousiasme de débutant qui croit quand même savoir quelque chose sur les problèmes émotionnels. Lowen souligne l’importance que revêt le fait de toucher le corps du patient pour libérer les tensions musculaires qui l’empêche de se laisser aller à ses émotions et pour permettre l’établissement du reflexe orgastique. L’orgasme ici n’est pas comme le rappelle Lowen l’équivalent d’une éjaculation ou d’un paroxysme sexuel. Il n’y a pas de décharge sexuelle puisqu’il n’y a pas eu d’accumulation d’excitation sexuelle. C’est plutôt une réaction involontaire de l’ensemble du corps manifesté par des mouvements rythmiques et convulsifs. Mouvement qui apparaisse aussi lorsque la respiration est détendue et que l’on s’abandonne à son corps.

Lowen reconnait que cette pratique de contact constitue une déviation importante de la pratique analytique traditionnelle. Le fait de toucher le patient et de lui faire faire un travail émotionnel a d’ailleurs toujours constitué une source de mépris tant chez les analystes freudiens que Lacaniens. Seuls quelques lacaniens reconnus ont essayés de rendre compte de ces nouvelles thérapies en s’y soumettant comme patient tels Roger Gentis lui-même formé à l’école de Lacan et qui écrivit à ce sujet un ouvrage fort intéressant (Leçons de corps - 1979).

Lowen notera que retrouvé ce reflexe orgastique a des effets positifs sur la personnalité et qu’il est ressenti comme vivifiant et libérateur. « On y gagne d’apprendre que la vie du corps réside dans ses aspects involontaires ».

« Malheureusement dit-il, ces impressions merveilleuses ne résistent pas toujours aux tensions de la vie quotidienne dans notre culture moderne. La sexualité était et reste la question clé de tous les problèmes émotionnels, mais les troubles du fonctionnement sexuel ne peuvent se comprendre que dans le cadre de l’ensemble de la personnalité d’une part, et des conditions sociales d’existence d’autres parts. Avec les ans, j’en suis arrivé, à contrecœur, à la conclusion qu’il n’existe pas de clé unique élucidant le mystère de la condition humaine. Ma répugnance à le faire est née du profond désir de croire qu’il y a une solution. »

Je ne résisterai pas pour conclure cette première partie au désir de citer Roger GENTIS :

« il est manifeste que ce qui séduit ces âmes pures (à propos des nouvelles thérapies) c’est l’idéologie de la nature qui règne dans toutes ces pratiques. Ils devraient bien savoir que la nature a toujours été le dieu de la bourgeoisie au pouvoir. Je veux dire que si le pouvoir monarchique se fondait sur un droit divin, s’il trouvait sa légitimité en Dieu, le pouvoir bourgeois s’est toujours fondé sur un droit naturel. Il a prétendu organiser la société suivant les lois même de la nature – en vertu de quoi les contestataires, les opposants, les révoltés ne peuvent être que des imbéciles, des déséquilibrés ou des pervers… »[1]


LES THÉRAPIES VERBALES DE L’HOMME DIVISE - auteur Thierry Nussberger - psy Metz -

[1] Roger GENTIS- Leçons de corps p.77 éd – champs Flammarion [1] Freud le symptôme – Thierry Nussberger in « Les chemins psy – du symptôme au style » p.193 à 210 – Ed. L’Harmattan ).

[1] Thérapies comportementales et cognitives ( cognitive behavorial therapy [2] Eye Movement Desentitization and Reprocessing, qui signifie en français "Désensibilisation et Retraitement par les Mouvements Oculaires".

[1] J’appelle : thérapies intégratives de première génération celles qui essaient de faire un pont entre les thérapie psychocorporelles et la psychanalyse, et thérapies intégratives de seconde génération celles qui essaient d’intégrer les thérapies à visée comportementales (TCC, EMDR, PNL,) avec les pratiques orientales : méditation, relaxation etc..


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