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La psychothérapie intégrative de première génération...

Dernière mise à jour : 9 avr.

...vue à travers le prisme des deux principaux fondateurs en France.

Préambule à l’histoire des thérapies intégratives de première génération

Dans un récit retraçant l’histoire de son père, Georges Buisson, évoque le Paris estudiantin précédant d’un an les évènement de soixante-huit.

Une nuit de mars 1967, les étudiants de Nanterre se révoltent contre la séparation sexiste des bâtiments et l’interdiction faites aux garçons et aux filles de s’y retrouver. Ces étudiants, nous dit Georges Buisson, sont fils d’ouvriers, de paysans, sans grands moyens financiers. « Ils hantent les couloirs froids des bâtiments de la résidence universitaire où s’alignent « les cellules des 1250 permanents de Nanterre ... Ils n’ont pas les moyens de s’offrir une piaule au Quartier Latin. Leurs fenêtres ne s’ouvrent pas sur les toits de Paris, elles se referment sur un paysage dépressif grêlé de bidonville… [1]» Buisson décrit deux mondes : celui des étudiants de la bonne bourgeoisie qui ont les moyens de satisfaire leurs désirs d’une vie de luxe, et les étudiants confinés dans une sorte « d’univers carcéral, clôturé par un mur d’enceinte surmonté de barbelés [2]». A cela s’ajoute l’interdit des rencontres entre filles et garçons tel que le règlement intérieur de Nanterre le prescrit.

Pourrait-on faire dire ainsi à la grande Histoire que les prémisses de la révolution soixante huitarde s’originent d’une triviale historiette de cul ! C’est ce que laisse supposer en tout cas G. BUISSON : « Les trotskistes de la JCR (Jeunesse Communiste Révolutionnaire), ainsi que l’UNEF nanterroise, ont vu dans « la répression sexuelle » symbolisée par les règlements universitaires, matière à semer l’agitation. Pour les aider à mobiliser les consciences, ils ont conviés Boris FRANKEL à conférencer dans un foyer de la résidence…Il n’est pas venu expliquer comment animer un groupe d’études révolutionnaires ou former au « programme révolutionnaire » un futur premier ministre ; il est là pour parler « jeunesse et sexualité » ; Le grand prêtre du freudo—marxisme, qui traduit et diffuse les œuvres du philosophes Herbert Marcuse et du psychanalyste W. Reich en France, exhorte son auditoire à s’affranchir de toutes les aliénations.. Il faut conjuguer, dit-il, la « révolution permanente » et la « révolution sexuelle »[3]



Couverture du livre de Max Pages - Un des pionniers de la psychothérapie intégrative dont parle Thierry Nussberger - psycothérapeute à Metz - dans son article sur la psychothérapie intégrative
Max Pages - La psychothérapie intégrative - un article de Thierry nussberger - Psy Metz


Max PAGES

A cette même époque Max PAGES[4] était maître assistant responsable des travaux dirigés en psychosociologie à la Sorbonne. Il expérimentait la non-directivité dans la vie des grands groupes et laissait ainsi des centaines d’étudiants s’autogérer. Les étudiants qui étaient très politisés à l’époque, entamaient des débats houleux et menaçants. Max PAGES n’était pas épargné, on le traitait d’intello coupé de la réalité de la classe ouvrière mais il incluait cette éventualité dans le procès qu’il initiait. Il n’hésitait pas à franchir les frontières intellectuelles et institutionnelles, ainsi il créa à PARIS 7 un groupe de recherches sur l’émotion qui s’intitulera plus tard « « groupe de recherche sur la psychothérapie complexe » réunissant des psychanalystes lacaniens, des psychiatres, des psychothérapeutes de différentes écoles. Ce groupe se tiendra ensuite à la Nouvelle Faculté Libre (NFL), un institut de Formation à la psychothérapie intégrative créé par un de ses doctorants Jean-Michel FOURCADE. Ce groupe fonctionnera pendant plus de trente ans.

Il fut d’abord étudiant en philosophie puis en psychologie, il devient analysant de René Laforgue puis d’André Berge et Piera Aulagnier. En 1950 il part aux états unis et découvre l’œuvre de Carl ROGERS qu’il rencontre à l’Université de Chicago ce qui lui permettra de participer à son séminaire.

De retour en France il est embauché à la CGOS ( Commission Générale d’Organisation Scientifique ). Puis il retourne aux Etats-Unis lors d’une mission OCDE ( Organisation de Coopération et de Développement Économiques ), il y rencontre Kurt Lewin et Jacob Levy Moreno, le fondateur du psychodrame humaniste. La problématique du changement en institution le préoccupera de plus en plus, et il s’intéressera à la démarche du psychiatre-psychanalyste C. Dejours spécialiste de la souffrance au travail.

C’est en 1959 qu’il devient professeur de psychologie sociale à l’université de Paris-Dauphine, il y fonde le Laboratoire de Changement Social et y développera des méthodes innovantes et créatives comme le psychodrame émotionnel (centré sur l’expression corporelle), ou encore le « système socio-mental » (à vocation holistique). Puis il devient professeur de psychologie clinique à l’université de Paris VII jusqu’à sa retraite en 1993 où il devient professeur émérite

Max PAGES propose une méthode centrale, l’analyse dialectique en sciences humaines, afin de dépasser la tentation dogmatique des doctrines. Il est considéré comme l’un des piliers français de la méthode intégrative.

« Il édifie une théorie de la psychothérapie comme pratique complexe au confluent des registres émotionnel, psychique – conscient et inconscient – et de l’histoire familiale et sociale. Sa pratique du psychodrame émotionnel, introduite dans le travail thérapeutique individuel et en groupe, est décrite dans son ouvrage Psychothérapie et complexité (1993). En 1996, il écrira un « roman épistémologique » qui retrace son parcours intellectuel en lien avec son histoire de vie : Le travail d’exister, écrit avec Didier Van Den Hove. Il cherche à comprendre comment se construit une pensée, les forces qui la font évoluer, ses racines affectives et familiales, le poids des événements sociaux, l’entrechoc des références théoriques et finalement comment se tisse un destin au carrefour de son roman familial et de sa trajectoire sociale. Dans cet ouvrage, il se définit lui-même comme un « psychologue conversant » soucieux d’établir des passerelles avec les autres disciplines, de dépasser les barrières entre la théorie et la pratique, d’articuler la recherche intellectuelle et l’expérience personnelle. Le travail amoureux (1977) est sans doute l’ouvrage dans lequel il montre avec une authenticité désarmante les liens indissociables entre la pensée rationnelle et la vie intime. Il y mélange délibérément des écrits théoriques, des références personnelles, des extraits de journal afin de montrer comment la pensée et la sensibilité sont deux façons complémentaires et indissociables de saisir le monde. »
Il était aussi un chercheur engagé. La charte inaugurale du Laboratoire de changement social propose de « rompre avec la fausse neutralité des sciences qui les maintiennent dans un état de dépendance vis-à-vis des pouvoirs établis afin de lutter contre l’aliénation économique, politique, culturelle et psychologique ». Dans La violence politique (2003), écrit avec des collègues issus d’horizons différents, il s’interroge sur les violences terroristes et antiterroristes pour tenter de comprendre « à quel moment et sous quelles forces les conflits échappent à leurs auteurs pour se transformer en paranoïa collective et s’installer dans une logique persécutoire qui fabrique ses propres ennemis ».[5]

L’approche intégrative selon PAGES

L’idée est de s’émanciper des dogmes propre à chaque théorie, pour s’interroger sur ce qui dans la pratique est efficient. Pages s’intéressera à ce qui lui semble invariant dans les différentes méthodes. C’est la notion de non-directivité qu’il retiendra comme l’invariant fondamentale à toute forme de pratique psychothérapeutique, premier opérateur de changement. Ainsi pour Pagès la technique est un moyen et non la clef du changement, il situera plutôt celui-ci dans les capacités intersubjectives du praticien. Dans Trace ou sens[6] il explicite sa démarche et l’importance qu’il donne aux capacités intersubjectives du psychothérapeute :

« Ceci nous amène a marqué à la fois la continuité fondamentale des méthodes thérapeutiques et leur hétérogénéité. Continuité car il est vain d'opposer les psychothérapies corporelles où émotionnelles à la psychanalyse, comme un projet concurrent, non plus d'ailleurs que de les subordonner à elle. C'est pourquoi je préfère parler de travail émotionnel et de travail analytique en psychothérapie plutôt que de psychothérapie émotionnelle et de psychanalyse. Dans les deux cas il s'agit d'établir ou de rétablir des communications internes et externes rompues, mais à des niveaux différents. Dans les deux cas l'implication contre transférentielle du thérapeute est nécessaire à l'un ou l'autre de ces niveaux ainsi que sa distance et le contrôle de son implication. »[7]

PAGES justifie l’intégration du travail psychocorporel qu’il préfère nommer « émotionnel » pour des raisons théoriques développer dans son ouvrage. « Il faut aussi reconnaître la diversité et l’hétérogénéité des techniques et des stratégies thérapeutiques, entre un travail émotionnel, qui vise à rétablir des capacités imaginaires, affectives et expressives, et un travail analytique visant l'accès au symbolique. » Il propose ainsi d'élargir les notions psychanalytiques de transfert et de contre-transfert et de parler de transfert et de contre-transfert émotionnel. Le transfert émotionnel du patient suscitant ainsi le contre transfert émotionnel du thérapeute, lié à l'émotion du patient et à l'histoire propre du thérapeute. L'objectif pour Pages est de retrouver des scènes de l'enfance et les difficultés du système émotionnel qui leur sont liées. Il se différencie du psychodrame Morénien en se centrant exclusivement sur le patient comme dans le psychodrame analytique et non sur l'interaction de deux ou plusieurs personnes. Par rapport au psychodrame analytique il se centre sur l'expression émotive et son inhibition. Au cours du travail thérapeutique le thérapeute, selon lui, sert d'égo auxiliaire au patient, ce qui lui permettra d'explorer en toute sécurité des affects redoutés. Le thérapeute peut alors entrer dans une communication émotionnelle avec le patient par le geste, la voix, le cri, la caresse guidée par le patient lui-même ou par le propre contre transfert émotionnel du thérapeute. À ce travail succède un échange verbal Avec le thérapeute et les membres du groupe qui peuvent dire comment ils sont entrés en résonance avec le travail du thérapisant. En réponse à la critique faites le plus souvent par des psychanalystes que ce procédé n’est que mise en scène hystérique, Max Pages répond que ce « travail émotionnel permet, pas toujours sans doute de toucher à des éléments d'un noyau archaïque pré verbal ». Il reconnaît qu'on ne peut jamais prendre au pied de la lettre un travail émotionnel comme l'expression d'une régression archaïque. Bien au contraire « le travail émotionnel peut aussi être utilisé dans une problématique de type hystérique en poussant jusqu'au bout l'espèce de provocation hystérique en mettant en actes les scènes suggérées par le patient avec les thérapeutes eux-mêmes. L'idée est que cela fasse ressortir pour le sujet lui-même le décalage entre l'émotion éprouvée et celle qui est dite, entre la scène suggéré et celle qui est décrite[8] » cela produisant à terme un tri une décantation entre les fantasmes mis en scène dans le jeu et le besoin véritable de communication émotive. Il ne s'agit pas « d’opposer les stratégies et les techniques thérapeutiques en les référant à des divergences d'école ou de les confondre dans un éclectisme vague » Il s'agit plutôt de « considérer la complexité d'un processus thérapeutique non linéaire, dont les formes pathologiques et les abords thérapeutiques diffèrent, suivant que l'on se trouve au niveau du système émotionnel, du système discursif, ou de l'articulation entre l'un et l'autre. On s'orienterait alors vers une conception multidimensionnelle de la thérapie qui permettrait d'articuler sans les confondre les apports de différentes écoles. » [9] Dans un article paru[10] en 1998, il évoque « le risque que, dans les tentatives d’intégration des doctrines thérapeutiques on affadisse les disciplines constitutives du melting-pot, en recherchant des éléments communs à toutes » et il ajoute « Pour ma part, plutôt qu’une synthèse théorique, j’ai cherché à articuler et à dynamiser les oppositions entre des points de vue conservant une identité propre, différents mais non contradictoires entre eux, qui permettent de saisir de façon complémentaire la réalité psychosociale. C’est pourquoi je préfère le terme de complexité, au sens épistémologique (Edgar Morin, 1990), à celui d’intégration. »

Objectivation ou subjectivation dans l’acte thérapeutique ? Méthodologies analytiques ou compréhensives ? PAGES exprime sa position au sujet de ces antinomies :

« Cette limite entre les deux démarches analytique et compréhensive est à mon sens d’ordre structural. Les deux orientations ont des visées radicalement distinctes et restent inconciliables. La démarche analytique vise les aspects répétitifs de la conduite, l’inerte au sein du vivant. La démarche compréhensive, elle, se situe à l’intérieur même du vivant. Elle nous met en rapport avec l’objet, aux niveaux sensible, affectif, intellectuel, et nous fait participer à son devenir. Elle éclaire et anime la répétition pulsionnelle et la transmue en acte de communication. »

PAGES se sert de la dualité : répétition, inertie, négation de l’autre dans le jeu du transfert et du contre-transfert et en même temps du fait que ceux-ci sont le lieu même du mouvement et du changement thérapeutique.

A la fin de son article il conclue que « Le cœur de la psychothérapie est le lieu de la communication émergente, non d’une communication installée ou instituée. Elle émerge d’abord en nous-mêmes, psychothérapeutes. La transmutation de certains aspects réifiés, inertes, de la conduite du thérapeute en leur forme subjective et spontanée y joue un rôle essentiel. Ceci implique qu’en lui les deux démarches d’objectivation et de subjectivation se conjuguent et s’opposent dialectiquement de façon créative, au lieu de se neutraliser, et de stériliser ainsi le processus thérapeutique. La psychothérapie doit éviter aussi bien l’écueil d’une dérive subjective anarchique qu’une analyse sèche et sclérosante. Les outils théoriques et techniques des disciplines analytiques ne sont pas les ennemis de notre sensibilité. Ils l’éclairent au contraire, débarrassent le chemin des stéréotypes, des amalgames, des idéalisations et diabolisations. Loin d’inhiber notre sensibilité et notre spontanéité, ils peuvent les ouvrir et les libérer. Celles-ci en retour nourrissent l’analyse, dans le cours même de la relation thérapeutique, et dans la réflexion scientifique a posteriori. En psychothérapie l’intelligence analytique et l’« écoute sensible » 

Quelques réflexions critiques à propos des concepts Pagètien

Max Pages dissocie les approches concernant le travail émotionnel et le travail analytique et les présente comme complémentaires et comme des techniques. Nous pouvons émettre des réserves quant à présenter la psychanalyse comme une technique, même si Freud a publié de courts articles sur le sujet entre 1904 et 1919. Nous serions plus enclins à penser la psychanalyse comme un art. Nous rejoignons par là le commentaire de Jean-Michel QUINODOZ [11]


« Ainsi, pour G. Vassali (2001), la technique freudienne n’est pas une « technique » comme on l’entend aujourd’hui, mais une « technè » au sens d’Aristote, c’est-à-dire un « art ». Par conséquent, le produit qui résulte de cette activité n’est pas de l’ordre de la certitude et du nécessaire – conformément aux lois du déterminisme linéaire –, mais de l’ordre du « probable » et du « possible ». Le métier du psychanalyste est donc un art, et il n’opère pas sur la base de preuves, mais sur la base d’indices, de déductions, d’idées intuitives, procédé que Freud désigne du terme « erraten » lorsqu’il parle de la démarche du psychanalyste (erraten a été traduit en français de manière peu satisfaisante par deviner, et en anglais par to guess). Si l’on adopte ce point de vue et que l’on considère le travail du psychanalyste comme une « technè », cela signifie, d’une part, que le travail de pensée interprétative s’accomplit non pas en raisonnant de manière rationnelle, mais de manière conjecturale ; d’autre part, cela signifie que l’on ne peut déterminer avec certitude si l’art de guérir qu’exerce le psychanalyste conduira nécessairement à un succès. »

A notre avis la psychanalyse s’apparente plus à un dispositif offert au consultant pour lui permettre de venir parler en toute sécurité, représenter son histoire sur sa propre scène et jouer sa partition. Elle met ainsi à jour ses représentations, appréhende comment il est aisé ou non d’en parler, d’avoir sa propre énonciation plutôt que celle du discours convenu, d’entendre la manière dont l’analyste peut être attentif au non-dits, aux blancs de son discours, aux affects retenus. Dans ce laps et pendant le décours de sa parole les affects surviennent, les émotions se manifestent, surprennent par leur manifestations soudaines et inattendues. Ils envahissent parfois le sujet quand ce dernier ne s’efforce pas, avec peines et efforts, de les endiguer pour ne pas s’en laisser submerger. Ainsi le dispositif analytique n’empêche pas l’analysant d’être engagé « corps et âme » dans le procès de son travail que ce soit dans l’évocation d’un temps de l’enfance même lointain ou lors d’un épisode plus récent. Scinder les deux approches interroge sur la manière dont Max Pages envisageait l’analyse. Et nous partageons les interrogations de Pages quant à la valeur historique et cathartiques des régressions en séances.

L’approche contre-transférentielle de Pages nous pose aussi question surtout lorsqu’il aborde l’implication émotionnelle et corporelle du thérapeute, ce franchissement de limite, et Pages l’exprime fort bien, suppose de la part du thérapeute qu’il soit assez au clair avec sa jouissance et ses affects pour que, dans le procès thérapeutique, ne se joue pas une jouissance à deux délétère. Le problème peut se poser tout aussi bien dans une cure analytique, d’où la prudence de Lacan quant à l’interprétation : un mi-dire pour faire résonner une équivoque sans y mêler l’imaginaire de l’analyste.


Jean-Michel FOURCADE (1943-2020)[12]

JMF était diplômé d’HEC quand il commença à s’intéresser aux mouvement du potentiel humain. Il se rendit en Californie pour s’inscrire dans le sillage de l’Institut d’Esalen en Californie. Il y trouve le foisonnement des nouvelles pratiques du développement personnel et de ce que l’on a appelé le new-age. On y retrouve les pratiques de la méditation, de la bioénergie d’Alexandre Lowen (1910-2008), élève de Wilhelm Reich, de la gestalt-thérapie développé par Frederick Perls (1893-1970), disciple dissident de Freud et la psychologie humaniste de Carl Rogers (1902-1989).

De retour en France, il entame une psychanalyse avec Lucien Kokh, psychanalyste d’orientation lacanienne et suit son Séminaire de recherche en psychanalyse et champ social (ou « Cheminaire »),

En 1972 il s’inspire de ces différentes pratique en y incluant le travail régressif en piscine d’eau chaude pour fonder le CDPH, Centre de Développement du Potentiel Humain. Il devient ainsi le pionnier de la psychologie humaniste en France, dans la logique des travaux de ROGERS, MASLOW, LEE COOPER, PERLS, LOWEN, PIERRAKOS, BERNE. Vincent LEHNARDT rejoindra le CDPH, en qualité de co-directeur de 1976 à 1981. Ils animeront beaucoup de séminaires ensemble et publieront en 1981 un livre, Les Bio-Scénarios (synthèse de la bioénergie et de l’analyse transactionnelle), réédité en 2007 chez Dunod. En 1981, avec une vingtaine de psychothérapeute, il participe à la création du Syndicat National des Praticiens en Psychothérapie (SNPPsy) quatorze ans plus tard, aux côtés de Philippe GRAUER, et de plusieurs autres chefs de file de l’école française de psychothérapie, il fonde la Fédération Française de Psychothérapie (FFdP), affiliée à la puissante European Association of Psychotherapy, qui regroupe, hors de France, de nombreux psychanalystes.

En 1991 il crée la FLDP (Faculté Libre de Développement et de Psychothérapie) qui deviendra la NFL (Nouvelle Faculté Libre) en 2000, pour y développer, ce qu’il nommera la Psychanalyse Intégrative, inpiré par les travaux du Groupe de recherche sur la psychothérapie fondé par Max PAGES à l’Université Paris 7 et fondée sur les multiples approches de l’inconscient, l’apport des psychothérapies psychocorporelles et existentielles et la Sociologie Clinique.

En 1994, il soutient sa thèse de psychologie sociale clinique à l’Université de Paris VII sous la direction de Max PAGES.

En 1999, il crée avec quelques autres, dont P. GRAUER, l’Association Fédérative Française Des Organismes De Psychothérapie* (AFFOP).

En 2004 Il participe au sein de la « Coordination Psy » impulsé par J.A. MILLER à la lutte contre la réglementation du titre de psychothérapeute,

Au sein de la Nouvelle Faculté Libre, il énoncera les principes de la « psychanalyse intégrative » y seront invité de nombreux théoriciens et représentants des courants de la psychanalyse et de la psychothérapie comme il le faisait déjà au CDPH. La N.F.L. a arrêté ses enseignements en 2020 du fait de la disparition de son fondateur.


Le principe de la psychothérapie intégrative

L'être humain est une unité ouverte. Pour comprendre et agir dans cette unité, la psychothérapie doit tenir compte des interactions complexes du corps et du psychisme et ne pas séparer ces niveaux d'être. L'approche intégrative est attentive à la complexité née de la mise en rapport des systèmes en interrelation (corporel, émotionnel, psychique individuel et psychique familial et social, spirituel) qui composent cette globalité, chacun ayant ses lois propres. Les théories psychothérapeutiques multiples ayant le statut de "théories partielles" dans la pensée épistémologique moderne ont des énoncés en partie complémentaires, en particulier si on les regarde comme spécifiques à des niveaux d'être du sujet, compris comme un système de systèmes en interrelation et ayant chacun ses lois propres : les systèmes corporels et émotionnels théorisés par les travaux de REICH, LOWEN, PIERRAKOS, PAGES, le système psychique et langagier exploré par les travaux psychanalytiques ; et les articulations avec le système social abordé notamment par Vincent de Gaulejac(...)

La psychanalyse intégrative

Jean- Michel FOURCADE présente en 2015 un texte où il présente sa conception de la psychanalyse intégrative. Il part du constat que « les nouvelles théories et pratiques étaient présentées par leurs créateurs et leurs écoles comme des blocs théoriques hétérogènes, souvent à prétention scientifiques excluant les autres approches – selon une épistémologie fermée, peu intégrative , que Max PAGES a analysée dans Trace ou sens », des théories partiel prennent le statut de méta théorie puis dans leur utilisation sociale par les clans intellectuelle , des idéologies pour la conquête du pouvoir universitaire et économique » [13] Il prend le contre-pied des psychologues de sa génération précédente qui pour des raisons scientifiques regarde d'un mauvais œil l'intégration des théories et des techniques psychothérapeutiques. Sa démarche part d'une question de savoir si ces théories et techniques présentées comme hétérodoxe sont réellement aussi différentes les unes des autres ? Il va essayer d'en dégager les éléments communs, de saisir la nature de leurs différences puis de réfléchir aux possibilités théoriques et techniques d'intégration. Il fait le constat que ces thérapies provoquent un rejet puissant de la part des psychologues et des psychanalystes. Ce sont plutôt les psychosociologues qui s'y intéressent. Plutôt que de se situer dans l'opposition conceptuelle de ces pratiques JMF pense qu’elles peuvent apporter des outils de compréhension et d'action plus variés que chacune des mono théories qu’elles constituent. C'est le groupe de recherche créé par PAGES à Paris VII, et qui a continué ses travaux dans le cadre de la FLDP puis de la NFL, nourris par les élaborations théoriques de « psychothérapies et complexités » qui a conduit à la création de la Fédération Française de Psychothérapie Intégrative en relation avec l'Association Européenne de Psychothérapie Intégrative. En 1998 Philippe GRAUER[14], Max PAGES et Jean-Michel FOURCADE publient le Manifeste de la Psychothérapie Intégrative. C’est dans sa thèse de doctorat sur les patients limite que JMF illustrera son approche convaincu qu'une théorisation et une clinique complexe était incontournable.

Jean-Michel Fourcade veut passer des théories partielles à une méta-théorie qui permet de les intégrer. Son ambition « porte aussi bien l'épistémologie structuralistes lacanienne pour intégrer les multiples théories apparu dans le champ des psychanalyse que l'épistémologie systémiste permettant l'intégration des théories allant du neurobiologique au sociétal, théories concernant le fonctionnement de l'être humain étudier de façon holistique » [15].

Sur le site de la SFPI La psychanalyse intégrative se définit ainsi : « La Psychanalyse Intégrative® se fonde sur une épistémologie de la complexité, à l’articulation des psychanalyses et des psychothérapies relationnelles et existentielles. Elle adopte le modèle du psychisme élaboré par S. Freud et enrichi par ses successeurs ainsi que les apports de W. Reich Elle instaure un dialogue et un rapprochement entre les différentes démarches, et privilégie les articulations théoriques et les stratégies thérapeutiques multiples. La Psychanalyse Intégrative® répond à la nécessité de tenir compte de l’évolution des troubles, en relation avec les transformations des diverses sociétés contemporaines où les personnalités limites sont en constante augmentation. Pour aider une personne, un groupe, une organisation en souffrance, les professionnels, conscients de ces évolutions doivent combiner, à la fois, des outils de compréhension pour décoder la part des facteurs affectifs, des réalités sociologiques, physiologiques dans la construction et reconstruction des sujets et articuler des dispositifs thérapeutiques appropriés. »

Les concepts théoriques de JMF

Dans la thèse de doctorat qu’il publiera par la suite[16] il énonce que « La théorie qu’il propose peut être résumée en trois postulats : reconnaissance de l’inconscient, travail dans la relation de transfert, technique adaptée à la personnalité du patient et à ses régressions dans la cure. Le concept central est celui de Régression » Puis il affirme « qu’aujourd’hui encore, la théorie de la Régression, à l’articulation entre les travaux de Jean BERGERET et ceux de PAGES, représente ce que la clinique offre de plus sûr. Bien que la tendance actuelle soit plutôt orientée vers les théories neuro-biologiques et les psychothérapies prescriptives, je ne doute pas que la théorie de la Régression ne rencontre à l’avenir auprès des cliniciens plus d’écho qu’elle n’en a eu jusqu’à présent. » Dans un chapitre de sa thèse « les patients limites » [17] il constate qu’« il ne manque pas de théoriciens pour contester le concept même de Régression : existe-t-il réellement une possibilité de revivre le passé ? Même lorsque le sujet semble revivre des comportements qu’il avait dépassés, ne les vit-il pas au milieu d’un ensemble de comportements « actuels » ? Peut-on avoir accès à de l’archaïque « pur » ou n’est-il saisissable qu’au travers de constructions et modes de fonctionnement plus avancés ? » Ce n’est pas sans méconnaître les diverses questions théoriques que posent la notion de régression que JMF propose ses arguments en sa faveur. Il justifie l’usage de la régression dans la cure de cette manière :

« Alors que le moteur de la cure analytique classique reste principalement la frustration, l’utilisation de la Régression dans un but thérapeutique entraîne aussi une transformation du moyen thérapeutique : le thérapeute dans de telles situations recherche une réparation par la «gratification» réelle et symbolique. Gratifier c’est donner et refuser, c’est donner et recevoir du patient avec les aspects multiples et complexes de la communication parent/enfant, patient/thérapeute. C’est dans ce sens que sont allées les œuvres de Winnicott, Balint et Ferenczi. Les techniques émotionnelles et corporelles développent cet aspect du travail lié à la Régression jusqu’à pratiquer un maternage réel au cours de séances. »[18]

CRITIQUE DES CONCEPTS FOURCADIEN

S’il semble nécessaire dans toute approche épistémologique d’avoir un abord critique des théories que nous présentons il faut rappeler ici encore que l’abord critique n’invalide en rien la démarche conceptuelle et les travaux des théoriciens. C’est d’autant plus vrai avec Jean Michel FOUCADE qui est un théoricien hors pairs et qui dans son livre les patient limites a fait un travail remarquable. C’est parce que nous considérons l’importance de cet apport que nous nous permettons de poser les questions qui dérangent. Mais cela n’a rien à voir avec le regard méprisant qu’ont eu à l’époque les psychanalystes de tous bords, freudiens ou lacaniens, qui souvent jugeait alors qu’ils n’avaient ni pris le temps de lire les textes des auteurs concernant les états limites ou les pratiques psychocorporelles, ni eu le courage d’aller expérimenter ces pratiques. A l’époque Roger GENTIS, psychanalyste d’orientation lacanienne, fut peut-être un des rares qui se risqua à expérimenter ces dernières[19]. L’abord des concepts lacaniens par JMF semble indiquer une lacune dans leur compréhension. Ainsi dans le paragraphe « Le thérapeute figure père/mère, figure-limite p.333» [20] il reprend la théorie lacanienne de la fonction « Père », et indique que « l’enfant s’appuie sur le Père pour se libérer du psychisme maternel et advenir comme sujet. Dans la phase intermédiaire, l’enfant vit à la fois la tentation du retour à la relation fusionnelle à la mère et le besoin du « Père », espoir et terreur. En même temps, quel type de relation crée-t-il avec ce père, cet Autre par rapport à la mère et à lui ? De même nature que celle qu’il avait avec la mère. Il s’efforce de trouver avec le père les mêmes liens fusionnels ; il vérifie son côté maternel. Le besoin d’un père dur et fort, porteur d’ordre et de loi ne viendra qu’après. » Bien que FOURCADE ait saisi que LACAN parle de la fonction père, il la rebat ici vers l’imaginaire. Tout en précisant que le besoin d’un père dur et fort, porteur d’ordre et de loi ne viendra qu’après. Les représentations qu’il donne de la fonction paternelle, et par conséquent maternelle sont presque caricaturale. Ces assertions posent un net problème surtout lorsque FOURCADE indique que dans la régression le thérapeute est réellement le père ou la mère pour le thérapisant. Quand le thérapeute interagit en régression avec le patient il interagit donc avec ses propres représentations imaginaire conforme aux représentations sociales : la mère avec son côté maternel, le père dur et fort porteur d’ordre et de loi. Je présente ici un extrait d’une thérapie avec une patiente qu’il dénomme madeleine : « Ces actions dans le transfert, en relation directe avec le contenu des rêves apportés par Madeleine, permettent à Madeleine d’introjecter une bonne mère qui soit une femme, ce qui aboutit à détacher Madeleine de sa fusion à la mère mortifère. Ainsi s’est reconstruit en elle une bonne mère. Le travail avec le thérapeute homme a consisté à poser le cadre de la psychothérapie, à l’encourager à vivre sa colère, à montrer ses émotions, à intérioriser un père puissant – Madeleine sait que je dirige l’ensemble de son travail thérapeutique –, protecteur et permissif dans le cadre de la Loi, vécu comme un bon père en particulier face au fantasme du père-tueur terrifiant. Ce père qui va permettre ce qu’un rêve de Madeleine appelle « la bonne greffe » – ce qui veut dire passer de l’état-limite à un autre état énergétique, émotionnel et psychique. » On peut noter ici chez FOURCADE que les représentations imaginaires à l’œuvre dans sa pratique donne une répartition des rôles à l’homme-thérapeute et à la femme -thérapeute. Le concept qui sous-tend la démarche thérapeutique est inspiré des travaux de FERENCZI, mais surtout de Mélanie KLEIN sur l’introjection/projection des bons ou mauvais objets. Ici le mauvais objet mortifère cède la place au bon objet/mère introjecté grâce à la technique de Régression du thérapeute. Cette manière de pratiquer risque de s’apparenter à ce que Max PAGES qualifie d’orthopédique[21]. D’autre part, ce qui interroge c’est lorsque JMF affirme que c’est lui qui dirige le travail thérapeutique et non lui qui se laisse orienter par ce qu’amène le patient.

Or la fonction paternelle chez LACAN est une fonction tierce certes, mais surtout une fonction métaphorique qui se substitue à l’inconnu, pour l’enfant, du désir de la mère et à l’angoisse que cela représente pour lui. C’est une fonction qui introduit le manque et nomme le Père comme cause du désir. Lorsque l’enfant, au moment de la mise en place du jeu de la bobine et du fort/da - moment dépressif où l’enfant est proche de l’anéantissement et que Lacan nommera aphanisis - perçoit qu’il n’est pas tout pour la mère et qu’il en est séparé, il reportera cette cause de l’absence de sa mère sur le père (ou toute personne qui importe à la mère). Ce qu’il saisit c’est qu’elle désire un autre que lui. L’enfant déchoit alors et, s’il le peut, met en place un opérateur psychique qui fera office de tiers : le signifiant phallique, celui de la métaphore paternelle. Du coup on peut se poser la question d’une technique psychocorporelle qui essaierait de reprendre les moments correspondant à la régression pour rematerner ou repaterner le patient. Pour Lacan le sujet trouve sa place à partir de ce qu’il a repéré et interprété du désir de la mère. Est- il l’objet qui comble la mère (position propre à la structure obsessionnelle) ou celui qui a un objet qui intéresse la mère (position hystérique). L’enfant ne se structure pas sur un mode obsessionnelle ou hystérique pour Lacan selon qu’il ait franchit ou non des stades de développement pulsionnel, ou y est resté fixé, mais surtout par la manière dont il se positionne eu égard à ce qu’il perçoit du désir de la mère : être ou avoir le phallus.

Jean-Michel Fourcade malgré une « prise de conscience dont il témoignera dans une préface d’un livre de Vincent LEHNARDT restera profondément marqué par le déni même de de ce qu’il a du mal à admettre. Je cite : « D’autre part, voyant comme lui que l’homme est capable du pire comme du meilleur, j’ai, après une longue psychanalyse, davantage tendance à admettre que, contrairement aux anthropologies que nous avions décrites dans notre ouvrage commun – celles du Core-energetique positif que MASLOW, LOWEN, PIERRAKOS et ROGERS mettent au centre de leur conception de l’Homme – les pulsions de morts, les forces destructrices et autodestructrices sont aussi constitutives que les forces de vie »[22] Ce déni opérera dans sa pratique et dans sa conceptualisation de la régression. Fondamentalement il reste naturaliste et donc attaché aux stades du développement sexuel propre aux post freudiens, de WINNICOTT à BERGERET, en passant par Mélanie KLEIN ou DOLTO. Ainsi la Régression permet, non seulement de désintriquer les fixations de la libido aux pulsions partielles propres aux stades, mais aussi de reparenter le patient en devenant réellement le bon père ou la bonne mère du patient. En adoptant en tout cas le supposé bon comportement et en ayant la réponse supposée la mieux adaptée. C’est ici une méconnaissance de deux concepts lacanien, celui du réel d’une part et celui du sujet du signifiant. JMF parle d’un retour au réel traumatique du patient, il déploie cela dans son dernier ouvrage : les patients limites. Cela positionne d’emblée le thérapeute comme sachant y faire pour le bien du sujet, pour le remettre sur les rails d’un développement psychique normal. Si l’usage de la Régression et le développement du concept que JMF propose mérite attention et intérêt, le rôle qu’il donne au thérapeute est problématique. Toute la recherche et le positionnement théorique de JMF à propos de la Régression et de son utilisation dans la cure, l’invitation à ne pas reculer devant celle-ci, pour reprendre l’expression de Lacan à propos de la psychose, est à considérer. Cependant, que le thérapeute s’implique ainsi dans le réel de la cure pose de nombreuses questions. L’idée même de reparentage et de réparation soulève beaucoup d’interrogations. Dans la perspective du structuralisme lacanien la régression pose problème en ce sens où la notion de stade de développement est franchement remise en question par Lacan. Dans le séminaire XI[23] il dit « toute l’originalité de l’analyse est de ne pas centrer l’ontogenèse psychologique sur ces prétendus stades qui n’ont littéralement aucun fondement repérable dans le développement observable en termes biologiques » … « Le développement s’anime tout entier de l’accident. […] La description des stades, formateurs de la libido, ne doit pas être référée à une pseudo-maturation naturelle… ». Cela est évidemment conforme à l’insistance qu’il a, dans ce même séminaire, à resituer la notion de pulsion Freudienne et à lutter contre la tendance des traducteurs à confondre « l’instinct » , Instinkt en allemand et trieb ( pulsion ). La pulsion rappelle Lacan est du côté de la représentation, elle est déjà éloignée de l’objet réel, et l’objet que trouve la pulsion pour s’en satisfaire est un objet que l’on retrouve dans le réel mais qui fondamentalement n’a jamais existé [24]. Cela remet en question toutes les théories psychanalytiques d’un objet qui serait adéquat à la pulsion. La perspective Fourcadienne s’inscrit dans cette notion des stades du développement et suppose que par la régression on peut atteindre les stades archaïques du développement et dénouer les fixations libidinales aux stades antérieurs mais aussi réparer le narcissisme du patient en lui permettant d’introjecter de bons objets. La perspective Lacanienne place le traumatisme non pas dans un mode de relation toxique avec le ou les parents mais dans une position décisive de l’infans, encore dans la jouissance de l’Un et son rapport avec la parole. Le troumatisme c’est l’entrée dans la Parole, car cette entrée mortifie le réel, une partie de la jouissance du réel est perdue, le mot tue la chose. Ainsi entrer dans le symbolique c’est déjà entrer dans la mort. Pour les tenants du naturalisme c’est insupportable, comme l’a été l’introduction de la pulsion de mort par Freud dans sa théorie des pulsions en 1920[25]. On retrouve dans les propositions de JMF la théorisation développé par karl Abraham en 1924 dans « Esquisse d’une histoire du développement de la libido fondée sur la psychanalyse des troubles mentaux » et reprise par Maurice BOUVET[26]que « le point d’achèvement de l’expérience analytique serait de permettre à l’analysant d’atteindre un objet « idéal, terminal, parfait, adéquat » pour son désir, et ce faisant, d’aboutir à la « normalisation du sujet »]. Par ailleurs, l’idée ainsi avancée d’un « objet harmonique », devrait se vérifier dans un rapport sexuel… enfin harmonieux. Cela posé, la visée d’une cure sera alors de normaliser le désir du sujet en le réduisant à cet objet adéquat et harmonieux dans le rapport sexuel.

Une psychanalyse, selon BOUVET, devra permettre une maturation des pulsions ainsi dans l’article Evolution de la psychanalyse il écrit : « Le Moi est devenu l’élément principal dans la lutte entre désir de satisfaction instinctuelle et adaptation à l’environnement ». L’adaptation est donc une satisfaction instinctuelle, c’est à dire une relation adéquate à l’objet pulsionnel qui suivant les phases de maturation normale est l’objet génital conforme. Nous retrouverons cette définition de l’objet adéquat chez Françoise Dolto. La névrose se présente alors comme une évolution normale empêchée ne pouvant accéder « à cette adaptation si heureuse au monde que l’on nomme la relation d’objet génitale et qui donne à tout observateur le sentiment d’une personnalité harmonieuse » [27]

LACAN pour sa part partira des catégories de désir et de demande pour interroger les différents types de névroses. Dans le séminaire « Les formations de l’inconscient » Lacan préconise de faire de la demande et du désir quelque chose « d’usuel », un « usage quotidien »[28]. La visée et la direction de la cure psychanalytique sont ainsi définies. Le registre de la demande avant Lacan était le seul pris en compte, Lacan introduit la dimension du désir ! Entre les deux c’est toute une conception différente de l’objet qui s’opère. Lacan positionnera la structure névrotique et son traitement, en opposition à ces différentes conceptions de l’objet en psychanalyse.

Malgré ses références lacaniennes, JMF restera profondément ancré dans cette perspective naturaliste propre à la psychologie humaniste et à ces courants de la psychanalyse freudienne. Pas étonnant alors qu’il puisse proposer une psychanalyse intégrative qui concilie les apports des courants humanistes et reichiens avec la psychanalyse. Pas étonnant non plus qu’il se tienne éloigné du structuralisme lacanien et plus encore de la topologie des nœuds.




[1] L’Ennemi – Georges Buisson – Ed. Grasset – p.58 [2] Ibidem – p. 58 [3] Ibidem – p.60 [4] Max PAGES (1926-2018) – professeur émérite soutient une thèse de doctorat d'État intitulée « La vie affective des groupes : esquisse d'une théorie de la relation humaine » en 1967 à la faculté des lettres de Paris3. Il est professeur à l'université Paris-Dauphine de 1968 à 1980, puis à l'université Paris-Diderot à partir de 1980 [5] Vincent de Gaulejac - Dans Nouvelle revue de psychosociologie 2018/2 (N° 26), pages 197 à 200 [6] Trace ou sens : le système émotionnel, Hommes et Groupes éditeurs - 1986 [7] Ibidem chap.13 p.167 [8] Ibidem chap 13 p.172 [9] Ibidem chap.13 p.174 [10] Chapitre VIII - Interstices théoriques et transformation de soi en psychothérapie - Max Pagès - Dans Action, affects et transformation de soi (1998), pages 173 à 192 [11]Lire Freud - Découverte chronologique de l’œuvre de Freud - Jean-Michel QUINODOZ - Presses Universitaires de France, 2004 P.135-136 [12] Jean-Michel FOURCADE, que nous citerons avec ses initiales JMF, était docteur en psychologie clinique et co-fondateur du Centre de développement humain (CDPH). Il a dirigé la Nouvelle faculté libre (NFL) qui forme des psychanalystes intégratifs. Il enseignait en Master 2 de psychologie de l'université Paris 8 et a présidé l'Association fédérative française des organismes de psychothérapie et psychanalyse (AFFOP). [13] Introduction à la psychanalyse intégrative . Jean Michel Fourcade 2015 [14] [15] Ibidem [16] In « Les patients-limites - Psychanalyse intégrative et psychothérapie – Avant-propos - 2010 Ed Eres » (1997 1ère pub. Desclée de Brouwer) [17] Les patients limites Chap. 21 la régression et la technique active p.296 [18] Ibidem p.301 [19] Leçon de corps – Roger Gentis – 1980 – Champ psychanalytique - Flammarion [20] chap 23 - Le travail émotionnel et corporel - p323 - Les patients limites – JMF - 2010 [21] Trace ou sens – Max Pages – p.168 [22] Préface de Jean-Michel Fourcade 2 ème édition - Au cœur de la relation d’aide - réflexion sur des Fondamentaux de la thérapie et du coaching. Ed.interéditions [23] Le séminaire. Livre XI. Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse - p. 74-75 – Lacan éd. Seuil [24] Cf le texte de Freud « die verneinung » et le commentaire parlé sur la Verneinung de Freud par Jean Hyppolite (1954). In Ecrits, Seuil, Paris, 1966 [25] « Au-delà du principe de plaisir » Freud 1920 [26] Maurice Bouvet - membre de la Société Française de Psychanalyse 1953, « La clinique psychanalytique. La relation d’objet ». Le Séminaire de Lacan, La relation d’objet, est une une critique de la position des psychanalyste français par rapport à la relation d’objet. « La Relation d'objet. Névrose obsessionnelle, dépersonnalisation », t. 1, Payot, 1967. « Résistances, Transfert, Écrits didactiques, in Œuvres psychanalytiques, » t. 2, Payot [27] LACAN J., Le Séminaire Livre IV, La relation d’objet, op. cit.,p.20. [28] LACAN J., Le Séminaire Livre V, Les formations de l’inconscient, Paris, Seuil, 1998, p.399.

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